Définition de l’éthique

Avant de caractériser une gestion éthique, il faut tenter d’arrêter une définition du terme « éthique ». Le terme “éthique” vient du grec “ethos” qui a donné également l’éther, au sens de l’espace, de l’ambiance, d’un ensemble qui existe mais qui semble virtuel ou insaisissable. Si l’on suit la proposition, alors on peut penser que l’éthique se différencie de la morale en ce que cette dernière est un ensemble de règles normatives et impératives qui s’imposent à l’individu de façon transcendantale. L’éthique fait quant à elle allusion à un comportement, une façon d’être et d’agir qui correspondrait au bon et au bien, sans que soit défini plus avant ce bien, comme s’il était inhérent à la nature et la nécessité de l’homme responsable vivant en société. On utilise le terme éthique aussi bien au sens le plus général – l’Ethique – que dans une acception thématique ou appliquée – par exemple la bioéthique, l’éthique des affaires ou l’éthique d’une communauté, etc. Dans ce dernier cas, lorsqu’on évoque la notion de gestion éthique, on parle plus d’une gestion respectant les valeurs d’un groupe particulier créé autour de valeurs partagées et qui cherche à les faire vivre.  

Ethique des placements

D’une façon générale, dans le cadre d’une gestion et de placements éthiques, on va rechercher des entreprises, ou des émetteurs, qui s’attachent à bien se comporter, non pas en s’efforçant de  conformer à des règles dites « morales » imposées, mais en recherchant un comportement généralement « bon ».

Dans une première partie, on précisera donc ce qu’on entend par le bon comportement d’une entreprise.

Au demeurant, la recherche d’une éthique dans les placements ne doit pas s’accompagner du comportement hasardeux, non éthique, de la société de gestion à qui sont confiés ces investissements.

Dans une seconde partie, on tentera donc de définir l’éthique de la société de gestion elle-même.

L’entreprise, objet de l´investissement.

Il est audacieux de considérer l’entreprise comme une personne douée par elle-même d’un sens éthique et moral. Il vaut mieux considérer, pour l’heure, l’entreprise comme un groupe se conformant à l’éthique que le dirigeant lui demande de suivre. C’est donc plus au dirigeant de l´entreprise, à ses valeurs et son comportement, que la gestion éthique va s’intéresser: On parlera alors de l’éthique du manager ou de l’éthique de l’entrepreneur. Au demeurant, chacun s’accorde à reconnaître que la qualité du dirigeant est clé dans l’appréciation d’une entreprise. Et c’est heureux ! Car cela signifie que le dirigeant a un rôle fondamental dans la structuration de l’entreprise dont il a la charge, autrement dit qu’elle n’est pas dessinée et orientée par un mouvement mécanique mais bien par une volonté humaine. Le dirigeant exerce dans l’entreprise un pouvoir important sur une communauté composée d’hommes et de femmes. Une éthique lui est alors indispensable pour remplir sa mission, afin que son autorité soit reconnue et acceptée. Cette mission n’est, à notre sens, pas de maximiser, à court terme et coûte que coûte, le  profit, quoiqu’on en dise. Car alors, cette maximisation immédiate se fera inévitablement plus aisément par l’appauvrissement à terme, et le risque de disparition, de l’entreprise. Or, nous affirmons que beaucoup de dirigeants apportent plus de satisfaction à leurs actionnaires en veillant à un développement équilibré, donc durable, de l’entreprise qui leur est confiée au risque de constater un résultat amoindri à court terme. Il est donc de la plus haute importance de pouvoir apprécier la qualité, l’éthique du manager.

La croissance

La qualité du management se mesure à la capacité du dirigeant et de l’équipe de direction à mobiliser l’ensemble des moyens de production qui sont mis à sa disposition pour emmener l’entreprise vers la croissance pérenne et durable.

Les parties prenantes                  

Les moyens de production, à l’analyse, se recoupent avec les parties prenantes réunies autour de l’entreprise, qui en tirent un bienfait économique et social, mais qui pour autant ne placent pas tous leurs intérêts dans l’entreprise.  A première analyse il apparaît que les différentes parties prenantes peuvent entretenir des intérêts contradictoires entre elles. Il appartient alors aux dirigeants d’assurer à tout instant un équilibre, qui variera dans le temps, entre les différentes parties prenantes qui s’opposent, afin de les mobiliser vers l’obtention d’un objectif final. L’objectif final est pour une entreprise de créer de la valeur au bénéfice notamment de ses clients.

Les ressources humaines

Afin de créer cette valeur, l’entreprise mobilisera les facteurs de production classiques que sont le travail et le capital. Le facteur travail, les ressources humaines, nécessite à l’évidence de la part du chef d’entreprise une attention toute particulière. La question est évidemment très complexe et a fait l’objet d’une très nombreuse littérature depuis longtemps déjà. On retiendra simplement que les personnes qui participent au développement de l’entreprise attendent en retour d’une part une juste rémunération et un emploi autant de possible pérenne, compatibles avec la survie et la croissance de l’entreprise, d’autre part l’accroissement de leur capacité professionnelle, qui, grâce à la formation, leur permet d’évoluer avec le temps et d’accéder à des responsabilités plus importantes, et enfin la protection de leur santé et de leur sécurité au travail. En résumé, les employés demandent une attitude de respect envers eux-mêmes et leur famille, qui leur permettra de s’épanouir au sein et en dehors de l’entreprise. Ils ont réellement besoin d’une éthique dans l’entreprise, également appelée culture d’entreprise. On voit bien là que ces différentes attentes sont plus réalistes dans des entreprises de croissance.  

Le capital

Le capital doit être analysé sous ses deux formes : le capital placé par les actionnaires d’une part, et d’autre part l’argent prêté par les banques pour assurer le financement de l’entreprise. Les banques peuvent alors, en l’occurrence, être considérées comme des fournisseurs. Pour autant, il s’agit très souvent de fournisseurs très particuliers entretenant une proximité forte avec l’entreprise. On peut alors les considérer comme des partenaires, compte tenu de leur place spécifique. L’actionnaire a, quant à lui, accepté de prendre des risques en plaçant une part de son patrimoine dans l’entreprise. Il en attend donc une rémunération en cas de succès: c’est un ardent défenseur du résultat qui vient nourrir son gain sous forme de dividendes et/ou de plus-values. Il trouve également sa satisfaction dans la pérennité des plus-values et la récurrence des dividendes. Il est donc normalement intéressé par un développement qui dure, fondé sur une éthique forte et mobilisatrice. 

La nature

Une analyse plus fine mettra en évidence d’autres facteurs de production comme l’environnement, la société ou les fournisseurs. L’entreprise est amenée à utiliser des ressources naturelles, avec une plus au moins grande intensité, pour les besoins de sa production. Elle doit donc les utiliser efficacement et avec parcimonie en ayant le souci de ne pas hypothéquer ce patrimoine naturel des générations futures. L’Homme a le droit d’exploiter la Nature pour la valoriser par son travail. Il ne doit pas pour autant la mettre en coupes réglées. On peut sans doute parler d’ « éthique de l’environnement naturel ».

La société

Par ailleurs, l’entreprise vit en société : elle bénéficie donc d’un certain nombre de facilités que la collectivité met à sa disposition. Elle a des devoirs envers cette collectivité, à laquelle elle contribue à la fois par le paiement de l’impôt et par le développement de l’emploi et de la richesse créée. L’entreprise est citoyenne et à ce titre vit donc « l’éthique du citoyen ».

Les fournisseurs

L’entreprise se fournit en biens et services auprès d’un certain nombre de prestataires. Elle leur doit également le respect en assurant le correct paiement, en temps et en heure, d’une fourniture demandée. Elle a de plus le devoir de s’assurer qu’ils s’acquittent de leurs prestations dans le respect de l’éthique de l’entreprise donneur d’ordre. En effet, le fournisseur de biens et de services ne doit pas être un cache-misère éthique permettant de se livrer en fin de compte à des pratiques répréhensibles (par exemple : travail illégal des enfants). 

Les clients

Enfin, dans le domaine de la relation avec les clients, des scandales défraient régulièrement la chronique pour rappeler que l’entreprise doit assurer la sécurité de ses clients en se comportant avec eux avec la plus grande et scrupuleuse honnêteté, aussi bien quant à la marchandise vendue qu’au service fourni. Annoncer, comme on le voit très souvent, que l’entreprise est au service de la clientèle ou qu’elle met le client en premier et communiquer sur une qualité qui est en réalité absente, ou omettre une irrégularité substantielle, c’est sans doute battre en brèche « l’éthique du client ».

La stratégie

Le chef d’entreprise, et son équipe de direction, ont donc la mission délicate d’assurer la collaboration de l’ensemble de ces parties prenantes au sein de l’entreprise, en les orientant vers l’obtention de l’objectif stratégique.

Le dirigeant doit donc définir, faire accepter et faire partager le projet stratégique qu’il va mettre en œuvre avec l’ensemble de l’entreprise.

La gouvernance

Notons qu’il est contraint par des règles de gouvernance qui ont pour principal objet de lui interdire de décider seul de l’avenir de l’entreprise et de n’avoir à rendre compte à personne de son action et de ses résultats.

La Gestion Intégrale

Au total, le dirigeant d’entreprise a pour mission de mener à bien le développement intégral de l’entreprise, dans la durée. C’est dans le cadre de cette philosophie que La Financière Responsable a déposé le terme IVA® (Integral Value Approach) pour désigner sa méthode de gestion de convictions, fondée sur la sélection de valeurs de croissance, appréciées dans leur intégralité, et pas seulement avec des critères financiers.

Le comportement de la société de gestion

En toute logique, l’investisseur soucieux d’une gestion éthique est en droit d’attendre un comportement éthique de la part de la société de gestion, et des gérants et de l’ensemble des personnes qu’elle emploie, en cohérence avec ce qu’elle prône pour les entreprises qu’elle sélectionne. 

 Honnêteté  

La société de gestion doit « dire ce qu’elle fait et faire ce qu’elle dit ».C’est une exigence, que certains appelleront de qualité, mais qui fonde, à nos yeux, un comportement éthique. Il n’est certes pas demandé à la société de gestion d’être parfaite. Ce serait un rêve impossible, ne serait-ce que parce qu’elle travaille sur des marchés dont l’évolution ne dépend pas d’elle. La société de gestion doit donc mettre en œuvre son savoir-faire avec rigueur et professionnalisme. Il ne s’agit pas de faire un habillage marketing afin de vendre, sans respect pour le client qu’on va se contenter de séduire. Il n’est certes pas reprochable  à la société de gestion de bien présenter ses opérations et ses résultats. Elle ne doit pas pour autant énoncer des choses fausses ou inexistantes. Pour ce faire, il est nécessaire qu’elle puisse tracer l’ensemble de ses décisions et de leur préparation afin de pouvoir en rendre compte en toute honnêteté.

 Clarté

Il est très souvent demandé à la société de gestion d’être transparente. Au-delà de cette notion simpliste, il est préférable que la société de gestion soit claire. Plutôt que d’exposer tous les éléments, sans exception, afin d’honorer l’exigence de transparence, il vaut mieux être clair pour ne présenter que les éléments clés permettant à l’investisseur de parfaitement comprendre la question qui lui est présentée. Cette attitude de clarté exige de l’honnêteté, de la simplicité et de l’attention, donc du respect, envers le client. La qualité du reporting aussi bien financier (désormais classique bien que souvent incomplet ou abscons) qu’extra financier est une caractéristique d’un comportement éthique. Le gérant démontre alors à l’investisseur qu’il fait le travail qu’il estime nécessaire pour remplir la mission qui lui est confiée.      

Engagement                                      

La société de gestion doit mener, dans la mesure de ses moyens, une politique d’engagement actionnarial ayant pour objectif d’amener l’entreprise à modifier dans le bon sens ses pratiques. Les sociétés de gestion sont déjà fortement incitées à voter lors des assemblées générales. Elles peuvent aller au-delà. Il faut ici faire preuve également d’une grande humilité. En effet, il n’appartient pas, à notre sens, à la société de gestion de se substituer au chef d’entreprise afin de lui dicter,  de façon péremptoire, des éléments de sa conduite. Plus encore, il faut éviter toute agressivité forcément néfaste dans ce milieu d’équilibres délicats et souvent instables. La demande d’explications porte en elle la force du questionnement. La suggestion doit être très respectueuse de la liberté du dirigeant. Toute idéologie politique doit être évidemment bannie du propos.

Humilité

La société de gestion ne peut s’engager à faire que ce qu’elle est capable de faire. Un comportement éthique nécessite sans doute une bonne dose d’humilité pour accepter ses limites et n’engager l’argent confié par les investisseurs que dans des voies connues et comprises. Si l’erreur d’analyse est toujours possible, la faute d’incompétence est quant à elle plus difficilement acceptable lorsque c’est par orgueil, et finalement par cupidité, qu’elle est commise.

Responsabilité

Dans la mesure de ses moyens et des possibilités du métier, la société de gestion doit s’engager dans une politique de responsabilité au regard de ses activités (respect des personnes, elles-mêmes justement rémunérées – sans excès scandaleux, intéressement aux résultats de l’entreprise, économie des consommations d’énergie et de ressources naturelles, déontologie rigoureuse avec notamment une gestion stricte des éventuels conflits d’intérêt, attention à la société civile dans laquelle évolue l’entreprise, etc.). On aura compris que ce qui est demandé aux entreprises dans lesquelles on investit peut être demandé à la société de gestion elle-même.

Performance financière

Au total, la gestion éthique ressort bien de la recherche d’un comportement équilibré, guidé par le souci du bien général et du développement profitable à l’ensemble des parties prenantes créatrices de valeur. La recherche de la performance financière n’est à l’évidence pas exclue de ce paradigme. Elle est à sa juste place pour pouvoir occuper un vaste champ grâce au caractère durable et pérenne de l’entreprise dans la durée.

Place de l’Homme

L’homme retrouve également toute sa place et sa dignité dans cet ensemble créateur de richesse qu’est l’entreprise.

 

Olivier Johanet

Pour plus d’information lfr@lfram.fr

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